Après le concert
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Vendredi 21 avril Sonia Bessa et Noël Letertre donnaient un concert «de la France au Brésil, un vent de passion chasse l’ordinaire »… Il faut dire quelque chose, après l’événement. C’était un événement. Un bel événement. Après un événement, et parfois pendant, « on » met des images sur tronche de bouc, d’autres personnes le font également sur Instagram et sur des réseaux sociaux dont j’ignore tout…
D’habitude… D’ordinaire…
Ce sont des photos ou des vidéos prises souvent avec un smartphone. Ces images disent, pour les gens qui les publient : on y était, on était content, d’autres gens y étaient et « on » dit parfois, c’est encore mieux, tout plein de gens y étaient. Quand c’est le cas… ça fait bien quand il y a plein de monde ! Et les images sont censées certifier nos mots, qui disent que ce qui s’est passé au cours de l’événement était merveilleux, génial et inoubliable. La preuve ? Les images…
Après l’événement, parfois pendant, « on » jette les photos et les vidéos sur le réseau social. Comme les amorces qu’on jette dans la mer, en bateau, pour attraper le poisson, en glissant sur les vagues… A ce moment là, dans l’enthousiasme, on est presque certain que ces images qu’on poste sur les réseaux vont être vues par la terre entière, ou tout du moins la partie de la planète qui n’était pas présente à l’événement… Sinon, peut-être que ces photos et vidéos attireront l’attention de quelques proches et connaissances…, celles et ceux qui étaient présents à l’événement, ou celles et ceux… qui n’y étaient pas.

Et puis deux heures après qu’on ait publié les images, la plupart de celles et ceux qui ont vu les images, que ce soit la terre entière ou quelques « amis »… ont déjà tout oublié… Et évidement la terre entière s’en fiche. Celles et ceux qui n’ont pas oublié les images, et qui n’étaient pas à l’événement, ont noté dans un coin de leur mémoire, qu’il s’est passé quelque chose, avec cette personne là, ou ces personnes là… à cet endroit-là plus ou moins déterminé… Quoi ? Une expo, un concert, une rencontre, un moment poétique, théâtral ou littéraire… etc. …
Il y a deux mondes dans cette affaire. Le monde vivant, celui de l’événement, avec des gens bien présent, expressifs, réceptifs… et le monde « virtuel » du réseau social. Tête de bouc, on y traine en plein auto roman et tout ce qui est écrit y alimente une curieuse réalité fiction…. Pour un peu, au pays du virtuel, rien qu’à avoir vu l’image d’un événement, on dirait qu’on y aurait été, on aura tout vu, tout entendu, tout su… En tout cas on est au courant…. Cela nous semble. On est au courant ou on le sait. Et c’est pareil qu’y avoir été ? Non ? Sur Facebook, littéralement sur la face du livre… tellement littéraire ce réseau social, tellement romanesque cette tête de linotte robotique, qu’on s’y croit…
On y a vu la tête à Toto ? Bien-sûr, on a vu Toto, on a parlé avec lui, on s’est tapé sur le ventre avec lui, on s’est fait la bise… Les merveilles de la littérature numérique métamorphosée en feuilleton atomisé et réseau social… Que d’aventures palpitantes sur tronche de cakou !
Et l’émotion ? Oui l’émotion… L’émotion virtuelle du réseau social. Étrange émotion… déséquilibrée. Envahissante, excessive ou évaporée. Solitaire ou inexistante.
Car les images je les connais. Elles informent, ou plutôt elles peuvent informer mais elles sont vite tout autant libres et rétives que les mots à transporter certaines émotions. Sans parler de la musique, même dans le meilleur des enregistrements, si impuissante à transporter sa splendeur acoustique. Allez au concert, écouter dans une salle faite pour ça, la chanteuse ou le chanteur, ou les deux, ou le chœur, et l’orchestre… Allez-y… La plus onéreuse des Hi Fi ne vous donnera pas la même émotion…
Et pourtant, je m’obstine moi, d’une autre façon, un peu chaque jour, en dessins, images, sons mots enregistrés à parler de certaines histoires et émotions, tarabiscotées ou simples, cela me prend des jours, des semaines, des siècles.. et pourtant, ce n’est pas pareil à la lecture si c’est un texte, au regard si c’est un dessin ou une peinture, ou à la projection si c’est un petit film, en graphisme animé… C’est toujours une autre histoire…
L’émotion est toujours au rendez-vous des concerts de Sônia Bessa. Et pour en parler, aujourd’hui, je n’ai que les mots, et quelques images… L’émotion particulière des récitals de Sônia et l’émotion particulière du concert de ce vendredi 21 avril 2023. Ce vendredi là la sensation était puissante. C’était sa voix si présente, sa voix pour moi incontestable, cette preuve de la vie et de l’amour, et ce qu’elle remue à chaque fois en moi et c’était aussi la puissance d’expression, de transport, l’extraordinaire jeu du piano de Noël Letertre. C’était la rencontre à l’unisson de ces deux puissances, de ces deux libertés, de ces deux savoir-faire. Forts et libres. Expressions vives et savantes, riches et expérimentée, libérées du poids de l’ordinaire, par leur rencontre, le lieu et le public à l’écoute. Un grand petit concert, petit à cause du lieu, grand à cause de la rencontre des deux grands artistes, qui n’est pas la première, mais qui a été remarquable et singulière…

J’essaie avec les mots de dire… l’énergie essentielle de cette rencontre… L’attention du public. Nous étions captifs. Vendredi 21 avril Sonia Bessa au chant et Noël Letertre au piano (et parfois aussi à la voix) donnaient un concert «de la France au Brésil, un vent de passion chasse l’ordinaire »… entrée 10 euros, c’est décisif comme détail, les dix euros la musique c’est du business. Petit ou grand… Il faut des sous.
Je n’ai pas fait de photo. Trop occupé…. Je n’ai pas fait de photo alors hier mardi, quatre jours plus tard, j’ai fait un dessin… un peu photographique… Il fallait mettre une image. Des fois que certaines ou certains penseraient qu’il n’est rien passé ce soir là… Des fois qu’on croirait ça sur tête de bouc… sur Face de machin, le réseau social, ma perte de temps irritée, mon égarement de petit Poucet quotidien. Il fallait mettre une image de cet événement. Alors j’ai composé le dessin à partir des photos d’un autre concert. Car ce soir là je n’ai pas fait de photo… Je préfère tellement écouter.
Sur place, ce vendredi 21 avril en début de soirée, dans la petite salle de la brasserie du Dôme, sur le cours Gambetta à Montpellier – merci Jean-Philippe pour l’accueil – il y avait, en plus de votre serviteur bavard qui se voudrait ici disert, en plus des deux musiciens, en plus de Martine à la billetterie – grand merci Martine – et en plus d’un de ses amis musiciens, vingt deux personnes. Très précisément. Dans la petite salle de la brasserie du Dôme. A Montpellier. Sur le cours Gambetta. Et c’était très bien. Il y a eu ce vendredi soir là, entre les vingt sept personnes présentes, une émotion belle, renouvelée, mouvante, des vagues de bonheur. Difficile d’en dire plus. J’en ai dit quand même ici plus de mille mots…. Facile d’en dire trop… Et je n’ai pas noté tous les détails.
Et en plus de en plus, j’avais une voix de casserole, j’étais à moitié aphone, on a tous rigolé quand j’ai voulu faire le récitant pathétique, j’ai fini par arrêter, Sonia et Noël se passaient très bien de moi… Des chansons françaises, des chansons bilingues et des chansons brésiliennes. Parfois en duo.
Voilà, pour tout vous dire, c’était tellement bien d’être là, à ce moment là, à cet endroit là, avec ces gens-là… C’est ça le spectacle vivant. Vivant…
Il y en aura d’autres. Le prochain, c’est le 2 juin… Pour ceux qui seront là