Et pourquoi donc les tercets de Christian Cosberg m’inspirent à ce point ? Que ce soit avec « Zébu », son dernier recueil de Haïku drôles, ou pour » Igloo, igloo, igloo « , son précédent ouvrage de la même veine pleine d’humour, je dois réfréner mes ardeurs d’illustrateur. Et c’est toujours pour moi la même catastrophe hilarante, les mêmes non sens plein de sens et de tiroirs, la même farce pleine d’esprit que je signe d’un Titanic faisant naufrage dans une coupe de champagne ou une mer de bouteilles des grands vins…. C’est du Christian Cosberg et c’est inimitable…
1/ Zébu
Il y a une logique irrésistible qui fait vivre les Senryûs de Christian Cosberg. Ces séries d’Haïku épicés de jeux de mots lancent des ricochets de sens joyeux dont l’effet est pour moi irrésistible. Pour les illustrer, je commence par les regarder rebondir dans mon imagination. Dès la première lecture, certains de ces tercets évoquent en moi des images. Je m’en étais déjà rendu compte en illustrant le précédent recueil de Christian, « Igloo, Igloo, Igloo »…
Avec « Zébu », l’auteur reste fidèle à lui-même. En fin observateur des mots et des êtres, c’est sans pitié qu’il met en évidence l’absurde, le comique, et la poétique du verbe qui gouverne le monde.
Et qui plus est, à chaque fois que je veux accompagner de graphisme les textes de cet ami fort bon vivant, s’offre régulièrement le plaisir de m’aventurer – armé de mes crayons et encreurs- dans les heures et malheurs des boissons et de leurs ivresses, et dans les désirs qu’inspirent les belles femmes de tous âges… Que demander de plus ?
Toutefois, il ne faut pas croire que créer comme contrepoint à ces tripodes subtils des images figuratives, sans tomber dans l’abominable et pesant travers de la redondance, soit toujours aisé. Parti du sens léger et drôle de ces Haïku, il m’a fallu à mon tour aller inventer des Haïku graphiques. Terrible hérésie que j’assume ! J’ai utilisé les ingrédients des tercets de l’auteur, et en me permettant à mon tour d’ agiter le sens de leurs mots, je l’espère dans l’état d’esprit de ces poèmes. Je me suis permis d’extravaguer… Pire, j’ai été chercher pour ces compositions – d’une façon toute aussi déraisonnable que son auteur – des cachettes imprévues, où se nichaient des sens seconds, voir troisièmes, toujours inattendus, des poèmes de Christian Cosberg. Plus on est de fous…
Il n’y a qu’avec les fantaisies de Christian Cosberg que j’arrive à de telles déraisons graphiques… Je le confesse…
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2/ Igloo, igloo, igloo
Des images nettes… Quand Christian Cosberg m’a demandé, un jour de printemps, d’apporter des dessins à son prochain ouvrage de Senryûs, en m’expliquant que c’étaient un recueil d’haïkus pimentés à l’humour assez caustique, j’ai accepté de me lancer. Probablement un goût indécrottable de l’aventure.
Je dessine un peu tous les jours, et quand il n’y a pas un projet précis sur le feu, la plupart du temps, je fais des dessins plutôt insensés. Déraisonnables. Ou dont le « sens » n’apparait qu’après coup… et encore… Parfois à la limite de l’abstraction… Évocations poétiques, oniriques. On y voit ce qu’on veut y voir…
Mais là, avec les tercets de Christian, je me suis trouvé devant des petites suites de mots nettes et d’un sens bien précis. Il y a bien en effet dans ce livre un igloo noyé dans l’alcool, une fille qui passe du coq à l’âne, des gendarmes armés d’épingles et des bouteilles trempées dans une prophétie… C’est sans ambigüité. Le bucheron a le blues, l’hôtelière offre une vue et le diable et le bon dieu ne veulent pas lâcher leur passoire. Et donc je me suis appliqué à les dessiner. Le plus fidèlement possible. Avec le plus de réalisme possible… Impossible de faire dans le flou artistique. Jouer avec les images des mots demande un très grand sérieux. Et un sens de l’observation logique. J’espère qu’on me pardonnera d’avoir été aussi raisonnable…