« Irons nous au Brésil ? »

« Irons nous au Brésil ? » une exposition

1994 – 2023, les reflets du temps

Maison pour Tous Mélina Mercouri – Du 4 au 26 octobre – Vernissage le 20 octobre à l’issue du concert lecture éponyme.

Photo Julien Coudsi

Il n’y a pas de chronologie dans les « graphies » que j’expose au fil des années et au gré des occasions. Les dernières œuvres dessinées ou peintes montrées au public concernant le Brésil avaient pour la plupart été réalisées au tournant de ce siècle et beaucoup furent jetée sur le papier, le carton, le celluloïd à l’issue d’un dernier voyage en 2013. Dans le sillage de la publication du récit de voyage illustré « Voyage d’été, l’hiver à Niteroi » (éditions Tapuscrits)…

Cette fois l’exposition que je présente à la Maison pour Tous Mélina Mercouri du 4 au 26 octobre 2023 prend sa source à deux époques éloignées l’une de l’autre : la première époque est celle des années 1994, 1995, à la suite d’un second séjour à Niteroi, devant Rio de Janeiro, et la deuxième époque est celle de cette année 2023, où nous nous demandons, Sonia Bessa la chanteuse et moi-même le graphiste gribouilleur : « irons-nous encore au Brésil », au vu de tout ce qui s’y est passé… au vu de ses dernières mutations. Il reste que le Brésil, depuis 35 ans, est pour moi une source majeure d’inspiration, qui ne me quittera pas d’aussitôt.

Ce coin de Niteroi, ce quartier d’Icaraï, ce boulevard du bord de mer le long des gratte ciels, devant le « rocher de l’indien », ce paysage que je retrouve en 1994, après un premier voyage cinq années auparavant, petit bout de la baie de Rio, la fabuleuse, je m’y suis attaché en quelques heures à peine. Déjà, en 1994, ce sont des retrouvailles, même si au fil des voyages je ne reconnaitrai plus certains lieux, tant ici la poussée de la vie est fantastique, entre urbanisme chaotique, catastrophes, modernisation, effondrements et renaissances.

 

 

1994. Le souvenir de la dictature n’a pas encore dix ans. Il y a une étrangeté qui flotte dans l’air de ces avenues et plages de bord de mer, j’entends le soir les petits singes gris crier dans la végétation qui grimpe le long du moro derrière notre gratte-ciel, l’animal à peine vu, ce soir là, a déjà disparu, je reverrai un de ses congénères, des années plus tard du côté d’Itaïpu. A Icaraï, la plage est la place du village qui se répète de plages en plages. Le long des avenues à la circulation folle.

1994, le Brésil n’a pas encore pris l’envol que lui apportera la présidence de Lula, et la machinerie de haine soufflée par les turbines yankee n’a pas encore détruit cet élan. Je me sens chez moi dans cette ville qui renait et se dégrade en même temps, dans la densité de vie des trottoirs populaires et des avenues pas encore embourgeoisées.

1994, je dessine en épurant le trait, en le géométrisant. Dans la mise en couleur, en 2023, je garde cette épure, ou au contraire j’embrouille les traits et les tâches… Parfois j’ai le sentiment que les époques se regardent les unes les autres, et se reflètent, tout en se métamorphosant

Dessiner, peindre, c’est souvent se jouer du temps. Ou jouer avec lui. Quand, magnanime, il renonce, un temps, à se jouer de nous. 

Publié par Paul