« L’instant où meurt le désir », encre sur bloc à dessin A5, Paul Coudsi le 23/12/2015
Il est d’usage courant de chercher dans un dessin, un tableau, une illustration, un sens, une histoire, une figuration, une psychologie, pour peu qu’on y reconnaisse des formes, personnages, expressions, êtres. Libre à chacun de nous d’apprécier, d’interpréter, de projeter et de transformer, dans notre esprit, le graphisme ou l’objet plastique que nous avons sous les yeux. La parole des traits, taches et formes que nous observons, le discours de l’auteur à propos de ce qu’il produit, ne nous sont pas toujours bien intéressantes, nous préférerions parfois qu’il se taise. Parfois au contraire, séduits par ses mots, sa personnalité, certains font de gros efforts pour réussir à se persuader que l’œuvre de « l’artiste » correspond à ce qu’ils en ont lu ou entendu, et, qui plus est, mérite d’être aimée. Sans « blabla » il est impossible pour diverses personnes d’apprécier une œuvre, et pour d’autres, le blabla est à proscrire.
Je suis plutôt de la deuxième espèce. Il m’est très difficile d’écrire sur les petits traits ou barbouillages que je produis, et je suis souvent très sceptique vis à vis d’artistes dont le seul bla bla fait exister l’œuvre…. J’accompagne certes volontiers mes créations d’histoires, récits, poèmes, musiques et chansons, mais en aucun cas, il ne s’agit de commentaires ou d’exégèse de ce travail. Cette absence d’explication, de commentaire, est en partie un handicap. La plupart des artistes reconnus sont capables de « verber » à l’infini sur leurs « créations », et souvent, je dois le reconnaitre, je ne comprends strictement rien de ce qu’ils racontent. Les mots sonnent parfois très bien. Mais cela n’a aucun sens pour moi. Ce que disent également les commentateurs, critiques, historiens de l’art n’est pas toujours dénué d’intérêt. On y apprend parfois des choses décisives sur la vie de l’artiste, sa pensée, sa technique, les questions qu’ils se posent, le monde dans lequel il vit, etc.… Mais…
Mais une des valeurs essentielles pour moi d’une œuvre graphique ou plastique, est sa capacité d’échapper aux mots. De lui rester irréductible. Sans se ce mystère, sans cette existence en dehors des mots, l’œuvre se dissout. Elle disparait. Non qu’on ne puisse en dire et en redire. Et parler d’une œuvre la fait connaitre, fait connaitre l’artiste, c’est donc indispensable.
De mon point de vue, il est vital de savoir que les mots, même s’ils enveloppent un graphisme, une peinture, une œuvre d’art, ne peuvent fondamentalement pas la dire. L’intérêt pour moi d’un dessin, c’est qu’il échappe au sens que procurent les mots. Ensuite, évidement, on peut trouver un graphisme appréciable, joli, laid, inintéressant, attirant ou désagréable… et aimer lui coller des adjectifs… Il ne suffit pas d’être libre de sens pour attirer, plaire.
Mais là, c’est une autre histoire.
« Femme très pensive et corbeau avec un sabre » , encre de chine sur Canson à grain, 26,2 / 20,7 cm, Paul Coudsi 1975