Qui qui s’est fait un coupe papier
Avec l’épée d’Ivanhoé ?
« Gabarits », « spécimens », « patrons », « arrangements », « modèles », « échafaudages »…., les synonymes de l’activité de « maquette » sont tous trompeurs. La maquette, pour la presse et l’édition papier, c’est le fichier pdf qui va donner naissance à la future publication, avant qu’elle soit imprimée, dans le moindre détail, sans coquille ni faute d’orthographe, au signe près, au centième de millimètre près, il n’y a rien de plus précis. C’est la réalité virtuelle du journal, magazine, livre, de la publication, affiche, du dépliant, album, tels qu’ils vont être, avec les indications de couleurs, avec toutes les images, tout est en place, mis en page, rien n’est oublié, toutes les pages y sont, c’est le futur « bon à tirer » (BAT), sur le grand écran de l’ordinateur du maquettiste, c’est le fichier pdf qui se retrouve sur l’ordinateur de l’imprimeur et qui va lui permettre de fabriquer l’ouvrage.
La maquette, avant qu’elle soit la maquette, c’est le travail de préparer la publication. C’est aussi et d’abord les idées, les esquisses, les textes trop longs à raccourcir, les images trop petites ou trop grandes, les schémas infographiques à réaliser à partir de chiffres incompréhensibles, complètement faux ou hors sujets, sans rapports entre eux, tout ça à renter dans un patron qui n’offre aucune souplesse, une page de journal est une page de journal et si tu mets cette grande photo, je passe ton texte au sabre en enlevant les trois quart de ton charabia… La maquette papier est souvent impitoyable. C’est une belle école de concision…
Pour le livre et pour internet c’est un peu plus souple. On a le loisir de s’étaler, on s’étale, on s’étale…
Le travail de conception de maquette pour des publications papier ou pour des sites internet est un métier que j’ai développé sur le tard. Il s’est parfois accompagné d’une activité d’illustration, il a quelquefois concerné des sites internet- avec la volatilité qu’on connait à ce type de travaux, et je n’ai pas concernant cette activité autant de médailles et de références que pour le film d’animation ou le jeu vidéo, autant de production que pour le dessin et la peinture.
La maquette, le graphisme, le design ont néanmoins occupé une belle partie de existence professionnelle… et personnelle.
Deux activités dans la durée représentent la plus grande part de cette occupation : la communication autour du travail de Sonia Bessa, mon épouse chanteuse franco brésilienne, et le travail de maquette pour l’hebdomadaire économique régional La lettre M. Pour ce deuxième et véritable emploi, la créativité y fut inversement proportionnelle à celles de mes tâches pour promouvoir la musique de ma compagne . Et bien entendu, le premier poste dans la presse fut carrément plus lucratif, pour ne pas dire alimentaire. Il est rare que dans nos contrées et à notre époque tellement normatives la créativité fasse une alliance pérenne avec l’argent, malgré toutes les logorrhées et contes de bisounours délirants prétendant le contraire. On peut gagner un peu d’argent avec des créations originales travaillées avec passion. On en gagnera beaucoup plus avec un travail routinier, standard, répétitif et souvent mentalement réducteur. Ce constat, sévère de mon point de vue pour notre organisation économique, sociale et culturelle ne m’empêche pas, au contraire, de toujours tenter de prendre du plaisir à ce type de tâche et de ne rien tenter qui puisse me faire renoncer au bonheur de m’y consacrer. Même dans le cadre d’une besogne dite « alimentaire ». J’y gagne en joie de vivre ce que j’y perd en confort et en sécurité.